évolution d’une insula de
Samarobriva au Haut-Empire
Les fouilles du
“Palais des Sports/Coliseum”
à Amiens (Somme)
Sous la direction de
éric BINET
et les contributions de
Michel AMAndry , didier BAyArd, Fabrice BESSIèrE,
dominique CAnny, Cyrille ChAIdron, Georges dIlly,
Stéphane dUBoIS, Cécile FréVIllE,
Christine hoËT Van CAUWEnBErGhE
Camille lEBECh, Vincent lEGroS, Sébastien lEPETZ,
noël MAhéo, élise MArlIèrE & Annick ThUET
Société archéologique de Picardie
PréSident : Philippe Racinet
PréSident d’honneur : Jean-Louis cadoux
Vice-PréSident : daniel Piton
Vice-PréSident d’honneur : Marc duRand
Secrétaire : esclarmonde MonteiL
SecrétaireS adjointS : François BLaRy, Benoît cLaveL
tréSorier : christian SanvoiSin
tréSorier adjoint : Jean-Marc FéMoLant
MeMbreS de droit : Jean-Luc coLLaRt Conservateur Régional de l’Archéologie
MaRc taLon, INRAP
danieL Piton
Siège social
Laboratoire d’archéologie
université de Picardie Jules verne
campus, chemin du thil
F - 80 025 aMienS cedex
adresse administrative
47 rue du châtel
F - 60 300 SenLiS
musee.breteuil@wanadoo.fr (administration - gestion)
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5 € de cotisation
abonnement 2011 : 2
numéros annuels 55 €
Attention, les règlements doivent être libellés à l’ordre de
Revue aRchéoLogique de PicaRdie
La PoSte LiLLe 49 68 14 K
site internet
http://www.revue-archeologique-picardie.fr
dépôt légal - février 2011
n° iSSn : 1272 - 6117
Sommaire
S
oMMaire
Revue aRchéoLogique de PicaRdie
. nuMéRo SPéciaL 27 - 2010
directeur de la publication
daniel Piton
rap.daniel.piton@orange.fr
adresse administrative et
commerciale
47 rue du châtel
F - 60 300 SenLiS
musee.breteuil@wanadoo.fr
(questions d’ordre général)
rap.sanvoisin60@orange.fr
(commandes - trésorerie)
la revue archéologique de Picardie
est publiée avec le concours de la Région
de Picardie, des conseils généraux de
l’aisne, de l’oise et de la Somme, de
l’université de Picardie Jules verne, du
Ministère de la culture (Sous-direction
de l’archéologie & SRa de Picardie).
comité de lecture
didier BayaRd, tahar BenRedJeB,
François BLaRy, Françoise BoStyn,
nathalie Buchez, Jean-Louis cadoux,
Benoît cLaveL, Jean-Luc coLLaRt,
Bruno deSachy, Marc duRand, JeanPierre FagnaRt, Jean-Marc FéMoLant,
gérard FeRcoq du LeSLay,
Bruno FoucRay, Mariannick Le BoLLoch,
vincent LegRoS, Jean-Luc Locht,
noëL Mahéo, François MaLRain,
Patrice MénieL, esclarmonde MonteiL,
daniel Piton, Philippe Racinet,
Marc taLon
couverture
vincent LegRoS
iMPRiMeRie : PieRRe tRoLLé iMPRiMeRie
F - 62870 BuiRe-Le-Sec
téL : 03 21 84 46 60
ill. ière & 4e de couverture
Proposition de restitution des trois premiers états
marquant les principales phases d’urbanisation de
l’insula : vers le début de notre ère, vers 60/70 ap.
J.-C. et vers la in du Ier s.-début du IIe s. ap. J.-C.
(Amiens, Musée de Picardie - Réalisation JeanRené ChAtILLoN - Conception Noël MAhéo, éric
BINet - collections du Musée de Picardie, cliché
Musée de Picardie / Marc Jeanneteau).
Askos et situle, collections du Musée de Picardie,
cliché Musée de Picardie / Marc Jeanneteau)
Site internet
http://www.revue-archeologique-picardie.fr
5 • Préface par Jean-Luc coLLaRt
7 • avant-propos par didier BayaRd
13 • introduction par éric Binet
23 • les débuts de l’urbanisation du quartier
1èremoitié du Ier siècle après J.-C.
23 . L’organisation du quartier et ses activités par éric Binet
27 . La céramique par cyrille chaidRon
28 . Le petit mobilier par dominique canny & annick thuet
33 • les maisons 1 et 8
33 . évolution chronologique et spatiale par éric Binet
54 . Un gros dépotoir des années 60-80 après J.-C. par Stéphane duBoiS
80 . Un ensemble céramique des années 120-130 après J.-C. par
Stéphane duBoiS
86 . Catalogue du petit mobilier par dominique canny & annick thuet
103 • la maison 2
103 . évolution chronologique et spatiale par éric Binet
116 . Mobilier céramique des années 90-120 par Stéphane duBoiS
123 . Catalogue du petit mobilier par dominique canny & annick thuet
135 • la maison 3
135 . évolution chronologique et spatiale par éric Binet
157 . Un remblai détritique du début du IIe siècle par Stéphane duBoiS
168 . Catalogue du petit mobilier par dominique canny & annick thuet
189 • les maisons 4 et 5
189 . évolution chronologique et spatiale par éric Binet
208 . La céramique du dépotoir 61542 : milieu du Ier siècle après J.-C. par
Stéphane duBoiS
213 . Les dépotoirs de la maison 4 : séries céramiques des années 70-90 de
notre ère par Stéphane duBoiS
231 . Un dépotoir de l’extrême in du Ier ou du début du IIe siècle par Stéphane
duBoiS
238 . Catalogue du petit mobilier par dominique canny & annick thuet
261 • les maisons 6 et 7 par éric Binet & Stéphane duBoiS
261 . Un ensemble céramique d’époque sévérienne par Stéphane duBoiS
267 . Catalogue du petit mobilier par dominique canny & annick thuet
269 • leS VeStigeS du baS-eMPire par éric Binet
273 • catalogue du Petit Mobilier horS contexte par dominique
canny & annick thuet
279 • inVentaire deS MonnaieS par Michel aMandRy
289 • urbaniSMe et cadre deVie par éric Binet
309 • leS éléMentS architecturaux par Fabrice BeSSièRe
329 • laVaiSSelle gallo-roMaine à SaMarobriVa
par Stéphane duBoiS
337 • leS aMPhoreS par élise MaRLièRe
355 • le Verre Sur le Site du coliSeuM par georges diLLy
& noël Mahéo
371 • leS MatièreS dureS d’origine aniMale d’éPoque
antique : Production et ProduitS finiS par annick
thuet
377 • harPocrate. quelques éléments d’analyse par annick thuet
381 • analySe du corPuS du Petit Mobilier par vincent
LegRoS
401 • l’askos et la situle de la cave de la maison 3
par camille LeBech
409 • PratiqueS aliMentaireS danS un quartier
d’aMienS au ier s. par Sébastien LePetz
423 • concluSion par éric Binet
425 • Bibliographie
442 • Résumés
RaP - n° spécial 27 - 2010 - Les fouilles du Palais des Sports/Coliseum à amiens
LES mATIèrES durES d’orIgINE ANImALE d’éPoquE ANTIquE :
ProducTIoN ET ProduITS fINIS
Annick ThUET
le site du "Palais des Sports-Coliseum" est le
premier sur Amiens et dans le nord de la Gaule à offrir
l’opportunité d’analyser dans de bonnes conditions
un ensemble abondant de tabletterie gallo-romaine
découvert en contexte urbain bien daté. Pas moins
de 760 pièces dont 620 objets inis représentent le
lot le plus important de l’instrumentum domesticum
du site, soit environ 48 % du petit mobilier total
inventorié, tous matériaux confondus. dans cette
série, 609 éléments dont 484 objets inis peuvent être
étudiés dans une perspective typo-chronologique,
soit 80 % du mobilier en matière dure animale
découvert.
le matériau d’origine a été déterminé autant
que faire se peut, sans analyse microscopique.
la majorité des éléments semble extraite de l’os
(plus de 99 %). Un seul objet en ivoire (n° 330) et
probablement deux pièces en bois de cerf (n° 643
et 843) représentent moins de 1 % des objets inis.
des proportions assez semblables ont été observées
sur d’autres sites urbains comme nîmes (FEUGèrE
& MAnnIEZ 1993), Bordeaux (FEUGèrE 1997), Autun,
narbonne ou Fréjus (rodET-BélArBI & dIEUdonnéEGlAd, 2008, p. 146, ig. 3).
Plusieurs données archéozoologiques n’ont pas
été prises en compte dans cette étude : l’inventaire
des extrémités articulaires sciées et la recherche de
vestiges éventuels du travail de la corne n’ont pas
été menés. De même les osselets dont il est dificile
d’attester l’usage comme pièce de jeu n’ont pas été
extraits du matériel osseux.
LES rESTES d’uNE AcTIvITé oSSEuSE
le travail de l’os avec 140 ébauches et rejets de
taille représente 18 % du mobilier de tabletterie
inventorié, soit un élément sur 5.
le plus gros ensemble caractéristique de cette
activité a été découvert en position secondaire dans
les remblais d’installation d’une grande domus
(Maison 4, mise en place à l’état IV, 70-90 après
J.-C., n° 1010 à 1079, 1120-1121 et 1198 à 1205, soit
80 éléments). regroupant ébauches et rejets de taille
illustrant différents stades de plusieurs chaînes
opératoires, ces vestiges témoignent notamment
de la fabrication d’épingles à cheveux à sommet
conique plus ou moins développé, type Béal AXX,
2 et AXX, 3 (ThUET 2008). deux techniques se
côtoient dans le traitement osseux : le facettage et
le tournage. le premier est réservé aux épingles,
le second peut-être à des pièces recourant à cette
technique comme les éléments de charnière. les
phases C à E comprenant la « création de la matrice
osseuse », la « pré-ébauche » et le « façonnage de
l’objet » sont représentées (FEUGèrE, ForEST & PréVoT
2008, p. 29).
la provenance exacte de ces éléments, dans le
secteur ou dans un périmètre plus éloigné de la
ville, ne peut être déterminée. D’après ces restes,
le ou les centres de production seraient datés
de la in du Ier siècle (70-90) perdurant peut-être
jusqu’au début du IIe siècle (90-130). dans l’état
actuel de nos recherches, il s’agit des plus anciennes
traces d’activité de tabletterie à Samarobriva. Cette
production non localisée ne peut en aucun cas
être mise en relation avec l’atelier découvert en
périphérie nord de la ville (site de "rank Xérox",
CloTUChE 1996) plus tardif puisqu’il est daté du
milieu du IIe siècle au milieu du IIIe siècle (ThUET
2008).
LES oBjETS fINIS
les épingles à cheveux (223 exemplaires), les
jetons (85 éléments), les charnières (65 objets) et les
aiguilles (51 occurrences) représentent à eux quatre
68 % des objets inis découverts sur le site, soit un
peu plus de deux objets sur trois (tab. I). on observe
donc une grande homogénéité au sein du lot. Il
s’agit en fait des pièces les plus façonnées par les
artisans tabletiers.
l’étude exhaustive du mobilier de tabletterie sur
l’ensemble de plusieurs villes de Gaule a déterminé
la sélection des sites de comparaison.
le manque d’homogénéité dans la répartition
de chaque objet au sein d’une activité de la vie
quotidienne (exemple les anneaux mis tantôt dans
la parure tantôt dans l’ameublement) n’a pas permis
371
RaP - n° spécial 27 - 2010 - évolution d’une insula de Samarobriva au Haut empire
épingles
Charnières
Total
Obj. inis
%
14
424
620
68
122
7
1099
1668
66
10
90
17
348
538
65
4
2
2
1
133
194
68
61
4
278
18
1171
1511
78
Aiguilles
Jetons
nbre
%
nbre
%
nbre
%
nbre
%
PdS
223
36
65
10
51
8
85
Amiens
597
36
295
18
85
5
Autun
122
23
85
16
51
rom
99
51
28
14
Vertault
606
40
228
15
Tab. I - Proportion relative en nombre et en pourcentage des 4 grandes catégories découvertes sur le site du "Palais des
Sports" et mise en perspective avec Amiens, Autun, rom et Vertault.
de dresser un tableau comparatif des différentes
catégories d’objets. l’étude s’est alors portée sur les
quatre grandes catégories les plus fréquemment
rencontrées.
le calcul des proportions a été mené par rapport
à l’ensemble des objets inis, incluant le mobilier
placé dans le domaine indéterminé.
on constate en premier lieu une grande
homogénéité dans la proportion de ces pièces
au sein des objets inis, d’environ deux tiers. à
Vertault, toutefois, ces quatre éléments représentent
plus des trois quarts des objets inis, mais sont
pourtant répartis dans 42 catégories différentes
(BéAl & rodET-BElArBI 2003, tab. 1, p. 52). à titre
de comparaison, le mobilier amiénois est réparti
dans 38 catégories (ThUET 2008, ig. 1, p. 36), celui
d’Autun dans 35 catégories (rodET-BElArBI &
Chardron-Picault 2008, ig. 4, p. 154) et Rom dans
18 catégories (rodET-BElArBI 2008, ig. 7, p. 147). La
palette d’éléments en matière dure animale est plus
diversiiée à Vertault que dans les autres villes mais
elle est quantitativement moindre.
la répartition de chaque catégorie au sein des
villes d’Amiens, Autun et rom, est fortement
variable, hormis les éléments de charnières dont
la proportion semble relativement constante, entre
14 et 18 %. le pourcentage d’épingles varie de 23 à
51 % et semble inversement proportionnel à celui
des aiguilles, allant de 2 à 10 %. on peut supposer
que globalement à Amiens comme à rom, la société
semble plus tournée vers la consommation que vers
la production (textile, du moins).
la répartition des jetons allant de 1 à 17 % est
dificilement compréhensible en l’état actuel de la
recherche. d’autres comparaisons permettront de
mieux cerner ces données trop disparates.
PArurE ET ToILETTE
372
les épingles à cheveux représentent 45 % du
domaine personnel, tous matériaux confondus, mais
également 96,5 % du mobilier de tabletterie présent
dans ce domaine. Elles sont associées à 4 spatules, 1
cuillère à parfum, 1 perle et 2 fusées d’épées.
lES éPInGlES à ChEVEUX
nécessaires au maintien des coiffures, ces
éléments de parure sont découverts en grand
nombre sur les sites antiques. leur relative fragilité
et leur prix bon marché (BéAl & dUrEUIl 1996, p. 14),
mais aussi l’inluence de la mode et la complexité des
coiffes sont à l’origine d’une production importante
et relativement diversiiée. Différents types devaient
être employés à la réalisation d’une coiffure. Ainsi,
les épingles à tête simple pouvaient servir de trame
interne au chignon tandis que les têtes inement
ornées pouvaient être mises en valeur au pourtour
de la coiffe.
Un groupe domine l’ensemble du lot. Il s’agit
d’épingles à sommet conique simple plus ou
moins développé (types Béal AXX, 2, AXX, 3 et
AXX, 4) au nombre de 119, dont 75 en contexte.
Elles représentent plus de la moitié des épingles
identiiées. Cette catégorie, très répandue dans toute
la partie occidentale de l’Empire romain, correspond
peut-être à la plus ancienne forme produite dans ce
domaine et son usage s’étend sur plusieurs siècles.
Sur le site, un léger décalage chronologique a pu
être observé entre ces différents types : les épingles
de type AXX, 2 et AXX, 3 (sommet plat à conique)
apparaissent dès la in du Ier siècle tandis que le type
AXX, 4 (sommet ogival) se développe seulement à
partir du début du IIe siècle.
Constituant le deuxième groupe d’ordinaire
abondant, les types AXX, 7 et AXX, 8 (épingles à
tête sphérique à ovale) sont ici sous-représentés
par rapport à d’autres sites, avec seulement 26
pièces dont 19 en contexte, soit 11,6 % des épingles
inventoriées. à rouen, par exemple, sur le site du
"Palais de Justice" (domus et son balnéaire des IIe et
IIIe s. après J.-C. (lEqUoy & GUIlloT 2004, p. 166-174),
ce type d’épingle représente 52,2 % des éléments
de coiffure (dUBoIS 1997). leur faible quantité peut
s’expliquer ici par la disparition de certains niveaux
datés de la in du IIe et du IIIe siècle correspondant
en partie aux contextes de diffusion de ce type
d’épingle (du IIe au IVe siècle au moins).
la présence élevée du type AXX, 13, au sommet
conique séparé du corps par deux rainures,
regroupant 49 pièces dont 40 en contexte, aurait pu
RaP - n° spécial 27 - 2010 - Les fouilles du Palais des Sports/Coliseum à amiens
retarder sur le site le développement des épingles à
tête sphérique. En Gaule, ce type, faiblement diffusé,
est peu répandu au sud de la Seine (présence en
petite quantité à Poitiers et rom (BErTrAnd 2008),
à Vertault (BéAl & rodET-BélArBI 2003, ig. 7). Son
aire de répartition semble couvrir essentiellement
le nord-ouest de la Gaule, de Bayeux à Soissons et
de Bavay à Genainville, dans l’état actuel de nos
recherches. Il apparaît sur le site vers la in du Ier
siècle, culmine dans le premier quart du IIe siècle
et perdure de façon ponctuelle jusqu’au premier
quart du IIIe siècle. Ce type semble plutôt en vogue
au haut-Empire, côtoyant les épingles à sommet
conique simple, puis pourrait être ensuite remplacé
par les épingles à tête sphérique.
La faible quantité d’épingles de type AXX, 5, à tête
discoïdale et AXX, 10, à sommet conique reposant sur
un disque, représentés par 5 exemplaires, ne permet
pas de proposer une fourchette chronologique
assez précise. Toutefois, deux épingles découvertes
en contexte de la in du Ier siècle permettraient de
remonter légèrement la date d’apparition de ces
éléments (BErTrAnd 2003, tab. 7, p. 103).
En marge de ce répertoire très homogène,
plusieurs pièces témoignent d’une certaine originalité
artistique. On relève d’abord une épingle à tête
féminine (n° 385), dont le visage a malheureusement
disparu, (découverte d’autant plus remarquable
que seulement 3 autres pièces de ce groupe ont été
inventoriées à Amiens). on note également une
épingle au bandeau décoré du style « pomme de
pin » (n° 298) dont la datation du contexte permet
d’afiner la période d’apparition de ce type (SChEnk
2008, p. 31, n° 305) ; une épingle à tête amovible
assez rare (n° 1417), conçue selon une technique peu
répandue, et une épingle au décor composé d’une
tête de chien émergeant d’un motif loral (n° 1518),
malheureusement toutes deux découvertes hors
contexte. Ces éléments de parure inement décorés
n’ont probablement pas été produits dans les ateliers
de Samarobriva, et sont l’objet d’importations dont
l’origine est encore inconnue pour la plupart, sauf les
épingles à tête féminine dont la production semble
localisée en Italie (BéAl & dUrEUIl 1996, p. 17). les
épingles au thème décoratif complexe et original
sont probablement réalisées sur commande pour
répondre à une demande particulière et ne peuvent
être façonnées que par des tabletiers s’apparentant
plus à des artistes qu’à des artisans.
Notons enin la présence très rare de deux pièces
de très petite taille, n° 823 et 824, à tête grossièrement
sphérique, dont la longueur ne semble pas dépasser
55 mm. Très peu d’épingles de ce type et de cette
taille ont été découvertes (par exemple MIklEr 1997,
n° 9, taf. 29). Sur le site, celles-ci associées à 8 autres
pièces de même type mais de taille plus classique
sont issues d’un contexte daté du IIIe siècle. leur
usage demeure inconnu : volontairement façonnées
de cette manière, elles devaient répondre à un
besoin précis comme consolider la trame interne
d’une coiffe, peut-être à la manière des épingles
repolies après cassure (BErTrAnd 2001, p. 34) ou
encore maintenir en place un tissu, comme un voile.
les épingles de cette taille présentant un sommet
conique ou pyramidal sont un peu plus fréquentes
(BéAl 1983, type 1 : n° 574 à 577 ; MIklEr 1997, n° 4,
taf. 29 ; BInET 1999, n° 54).
Une seule perle (n° 667) complète l’inventaire des
différents éléments de parure en os. Aucun bracelet
ou anneau n’y igure, étant donné leur relative rareté
et l’absence ici de contextes tardifs dans lesquels
sont souvent découverts ces objets. à Amiens, par
exemple, seulement trois bracelets ont été découverts,
en contexte d’habitat daté des années 310-350 (BInET
1996) et deux anneaux proviennent d’une sépulture
féminine d’époque tardive (BInET 1997).
Pour les mêmes raisons, aucun fragment de
peigne ne igure dans ce lot. Ces derniers se sont
en effet multipliés au Bas-Empire avec l’arrivée des
populations germaniques sur le territoire.
lES AUTrES CATéGorIES d’oBJET
de façon anecdotique, 5 éléments de toilette,
4 spatules (dont deux originales, n° 299 et 1390
et deux appartenant au type Béal AXXIII, 2) et 1
cuillère à parfum (n° 79, type Béal AXXIV, 2b ou
2c) complètent la liste du mobilier lié aux soins du
corps.
deux fusées d’épées typiquement militaire (n°
146 et 1532) ont été comptabilisées dans ce domaine,
bien qu’elles apparaissent dans le domaine social
au sein du catalogue. leur présence sur un site
urbain civil est dificilement interprétable. S’agit-il
d’armes de combat appartenant à des militaires de
passage dans la cité ou bien de trophées désormais
employés dans un cadre privé ?
L’équIPEmENT domESTIquE
l’AMEUBlEMEnT
le mobilier domestique représente seulement
13,6 % de la tabletterie du site avec 101 objets dont
65 éléments de charnière.
le type Béal AXI, 1b, à deux trous latéraux,
est représenté par 16 pièces, mal conservées pour
la plupart. la longueur varie de 44 à 85 mm mais
surtout de 67,5 à 85 mm. le diamètre va de 19 à
28 mm mais surtout de 21,5 à 23 mm (5 ex.) et de
26 à 28 mm (6 ex.). quelques pièces sont ornées de
3 à 6 ilets répartis de façon dissymétrique sur le
fût (n° 127, 285, 524, 650 et 834 par exemple). Audelà d’éléments de décoration, il pourrait s’agir de
repères techniques destinés à faciliter l’assemblage
(PréVoT 2005, p. 20).
373
RaP - n° spécial 27 - 2010 - évolution d’une insula de Samarobriva au Haut empire
le type Béal AXI, 2 à trou latéral unique est
représenté par 49 pièces dont 39 complètes. la
longueur varie de 18,5 à 46 mm, la moyenne se
situant vers 28,5 mm. le diamètre varie de 14,5 à 27,5
mm, mais surtout de 20 à 25,5 mm (33 exemplaires).
les calibrages les plus employés se situent à 22 mm
(5 ex.), et autour de 24 mm (23,5 mm : 4 ex., 24 mm :
6 ex. et 24,5 mm : 6 ex.). Ce dernier est proche de la
valeur d’1 uncia soit 24,64 mm (PréVoT 2004, p. 12).
l’existence de deux calibrages dans ce lot
conirme l’utilisation « d’étalons de normalisation
précis » mise en évidence par P. Prévot sur les
sites d’orange, lyon, nîmes et Vaison-la-romaine
(PréVoT 2004, p. 12). des conclusions semblables
ont été faites à Poitiers (BErTrAnd 2008). à Amiens,
toutefois, le calibrage mis en évidence autour de 27
mm sur les sites de Poitiers, Vaison, lyon et nîmes
n’apparaît pas dans le lot des charnières à trou latéral
unique mais seulement dans celui à deux goupilles
latérales. De même, les 13 charnières complètes de
type Béal AXI, 2 découvertes sur le site d’Amiens,
"Multiplex Gaumont" présentent deux calibrages
principaux autour de 21 mm (3 ex.) et 25 mm (4 ex.),
sachant que le diamètre de ce lot est compris entre
21 et 28,5 mm (ThUET 2007). l’absence ou la rareté
du calibrage autour de 27 mm devra être examinée
à l’échelle de la ville ain d’en tirer les premières
conclusions.
deux pièces de petite taille présentent une
certaine variante au sein du lot. la première (n°
303) possède un seul trou latéral (type Béal AXI,
1a) mais est ornée de 6 ilets. La seconde (n° 640)
présente deux trous latéraux encadrés de 6 ilets.
Enin, on peut noter la présence d’une charnière
percée latéralement d’un clou en fer (n° 1288) et
d’un élément de même type non percé (n° 1225).
les cylindres courts découverts en contexte bien
daté (37 éléments) apparaissent dès les années 55/60
et sont en usage jusqu’à la in du premier quart du IIe
siècle. Ils disparaissent quasiment par la suite. les
cylindres longs (15 pièces bien datées) apparaissent
également dès le milieu du Ier siècle jusqu’aux
années 90. Absents des années 90 à 100/110, ils sont
de nouveau en usage entre 100/110 et 125/130. Ce
hiatus de quelques années, qu’on ne retrouve pas pour
les cylindres courts, est dificilement explicable. Il est
peut-être lié à un phénomène de mode en matière
d’ameublement. Cette étonnante particularité n’est
pas observée sur d’autres sites d’Europe occidentale
(SChEnk 2008, p. 84).
outre les éléments de charnière, 5 objets
complètent l’inventaire des pièces d’ameublement
en os : 2 appliques (n° 125 et 1531), 1 moulure
(n°1532),1 placage collé (n° 1187) et 1 objet
s’apparentant à un élément terminal de charnière
(n° 1003) daté des années 70 à 90 après J.-C.
374
lES USTEnSIlES
Vingt et une cuillères dont un grand nombre
présente des cassures au niveau du manche ou
du cuilleron relèvent toutes du type Béal AXXV,
1, à cuilleron circulaire ou cochlear. le raccord
entre le manche et le cuilleron se fait par une
pointe triangulaire dans 6 cas, par une « queue de
rat » dans 6 autres cas et par un chevron sur un
exemplaire (n° 124). Ces trois procédés se côtoient
sur une même période, allant des années 20/50 au
premier quart du IIe siècle. Il s’agit du lot le plus
important découvert sur Amiens, où 31 pièces sont
inventoriées (ThUET 2008, p. 36).
neuf manches de couteaux ou de canif ont été
découverts sur le site, dont 4 remarquablement
décorés de motifs animaliers. d’inspiration assez
classique, deux d’entre eux représentent une patte
de suidé (n° 238 et 709), issus de contextes datés des
années 125/130 pour le premier et 175/200 pour
le deuxième. le troisième manche représente un
pied de meuble dont la partie supérieure (animal
mythique ou réel) manque (n° 1530, hors Contexte).
Le dernier est un manche miniature igurant un
canidé debout (n° 1291), s’apparentant au loulou de
Poméranie. la réalisation de cette pièce a demandé
au tabletier un sens artistique très développé, une
maîtrise totale du geste et beaucoup de inesse dans
la découpe surtout au niveau des pattes, la zone la
plus fragile du manche. Cette œuvre délicate est
issue d’un niveau daté des années 125/130.
l’origine de la production de ces pièces pose
encore problème. des parallèles permettent
de dresser une carte de répartition sommaire,
concernant deux familles de canifs décorés présents
sur le site. les manches en forme de pieds de meuble
se concentrent pour la plupart dans le nord de la
Gaule (Evreux : 1 ex., Paris : 3 ex. et Amiens : 3 ex.).
Ceux en forme de pattes de suidé se répartissent
plus largement dans l’Empire romain (Trèves,
Cologne, Amsterdam, Autun, 1987, p. 132) et se
regroupent toutefois en Gaule dans deux zones,
autour de dijon (4 manches à Autun, Vertault,
langres) et dans le nord de la Gaule, à Paris et aussi
à Amiens où 3 manches sont inventoriés. l’un d’eux
mis au jour sur le site (n° 238) ne présente aucune
trace de corrosion lié au montage de la lame ou de
la virole. l’objet de facture sommaire par rapport au
canif n° 709 ou au manche découvert dans la même
ville, "rue des Jacobins" (BEn rEdJEB 1989) est brisé
au niveau du trou destiné à ixer la lame au manche.
Cette cassure irréparable aurait entraîné l’abandon
de l’objet. Il pourrait s’agir à notre connaissance
de la première ébauche de ce type de manche
découverte en Gaule (ThUET 2008, p. 43-44). quelle
est son origine ?
la présence sur le site d’un peson de fusaïole
en schiste autunois (n° 1314 ainsi que BInET &
dondIn-PAyrE 2002) atteste des relations entre ces
RaP - n° spécial 27 - 2010 - Les fouilles du Palais des Sports/Coliseum à amiens
deux cités vers la in du Ier-début du IIe siècle. le
manche de canif raté est également de cette période.
Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées : il
peut s’agir d’une production locale diffusant ses
modèles, notamment vers Autun, ou au contraire
d’une œuvre locale exécutée à partir d’un modèle
importé. Comme aucun atelier produisant ces objets
n’a été découvert dans ces citées, on peut également
supposer que ces échanges ont pu être menées par
l’intermédiaire de tabletiers itinérants diffusant
au il de leurs pérégrinations ces différentes
pièces. Pour J.-C. Béal, « il semblerait que cela [la
similitude entre les deux manches de canif sculptés
en « patte de suidé »] soit en fait essentiellement
dû à la circulation d’un modèle qui a été reproduit
en divers lieux (Autun, langres, Paris, Trèves…) »
(BéAl & rodET-BElArBI 2003, p. 94). l’inventaire des
ébauches de canifs à décor zoomorphe permettra
peut-être d’éclairer un peu plus ce procédé de
diffusion.
Une garde de couteau qui pourrait être également
d’épée ou de poignard (n° 1193), datée de la in du
Ier siècle, complète l’inventaire des ustensiles (32
objets) au sein du domaine domestique.
ArTISANAT ET ProducTIoN
le travail textile est également bien représenté
par un ensemble de 51 aiguilles, 3 fuseaux et 1
quenouille en os.
Le lot d’aiguilles représente 8% des objets inis,
comme à Autun (rodET-BElArBI & ChArdron-PICAUlT
2005, p. 190). 28 pièces brisées à la base du chas n’ont
pas fait l’objet d’une détermination typologique.
les aiguilles de section circulaire sont représentées
par les types AXIX, 2 (3 exemplaires), AXIX,3 (1
élément) et AXIX, 5, avec 6 pièces. les aiguilles de
section allongée sont illustrées par les types AXIX,
6 (5 exemplaires), AXIX, 7, AXIX, 9 et AXIX, 10 ( 1
seul élément chacune). les aiguilles atypiques (5
ex.) sont des variantes des types AXIX, 2 et AXIX, 3,
présentant des chas complexes ou décorés (n° 1309,
1446 par exemple). la répartition typologique des
aiguilles n’est pas comparable aux lots publiés à
Autun (rodET-BElArBI & ChArdron-PICAUlT 2005, p.
190-191) ou Vertault (BéAl & rodET-BélArBI, 2003, p.
69 et 71-72).
dix-huit aiguilles sont issues de contextes
bien datés. les pièces de section circulaires sont
présentes dès la in du Ier siècle (90/100) jusqu’au
premier quart du IIIe siècle. les éléments de section
allongée perdurent du milieu du Ier siècle jusqu’à
la in du premier tiers du IIe siècle (125/130). Cette
dernière fourchette présente un important décalage
avec les datations de J.-C. Béal à lyon (BéAl 1983,
p. 173), qui propose une durée d’utilisation plus
longue, au moins jusqu’au IIIe siècle. Il est dificile
de comprendre ce décalage sauf si l’activité ou les
activités liées à ces objets ont cessé.
de forme parfois complexe, aux chas multiples,
l’usage respectif de ces aiguilles devait être bien
précis et correspondait à un tissu particulier
peut-être en rapport avec la passementerie, le
matelassage, le travail de la laine ou des peaux.
Très fragiles (plus de la moitié des aiguilles sont
brisées à la base du chas), elles ne pouvaient être
employées que pour assembler des tissus grossiers
à trame lâche ou des étoffes préalablement percées.
réparties entre les demeures, elles sont associées à
7 aiguilles en bronze, 10 fusaïoles dont 3 en terre
cuite et 7 en calcaire, 2 pesons dont un en schiste
noir provenant d’Autun (n° 1314) et 3 poids dont
deux en plomb et un en marbre noir. Trois fuseaux,
issus des niveaux les plus précoces du site (n° 2, 8
et 31) et une quenouille en os (n° 1221) découverte
dans un niveau d’occupation daté des années 90
à 125/130, complètent l’inventaire du mobilier
attestant un artisanat textile, allant du ilage de la
laine à l’assemblage des tissus. l’accumulation
de ces vestiges implique l’existence d’une activité
domestique au cœur de ces demeures. la maison
4 notamment a livré 22 aiguilles dont 4 originales,
à chas complexe sur tête conique. Perdurant dans
le temps, ce type d’aiguille assez particulier aurait
été employé pour assembler un matériau précis,
impossible à déterminer.
Une récente étude attribue une fonction différente
à ces pièces, considérées comme des « épingles à
tête percée » (dESChlEr-ErB & GoSTEnCnIk 2008, p.
299 et ig. 11). Une analyse plus ine des contextes
de découverte (habitat, sépultures, espaces de rejets
d’établissements thermaux…), l’étude tracéologique
de chaque pièce et l’archéologie expérimentale
pourraient fournir une réponse claire à cette
nouvelle hypothèse.
LoISIrS ET rELIgIoN
le domaine social regroupe 88 objets dont 85
jetons et un pion de jeu (n° 808). Une statuette en
ivoire (n° 330) et une petite gravure sur os (n° 439)
complètent cet inventaire.
Comme à Vertault (BéAl & rodET-BElArBI 2003, p.
53) ou Augst (dESChlEr-ErB 1998, p. 147), les jetons
sont après les épingles le groupe le plus important.
répartis de façon homogène dans chaque demeure,
ils sont associés à une vingtaine de pions de jeu en
pâte de verre et quelques palets en terre cuite.
S’inscrivant en grande majorité dans la typologie
établie par J.-C. Béal, ces pièces se répartissent entre
7 types. le type A XXXIII, 3 est le mieux représenté
avec 43 pièces. Puis viennent les types A XXXIII, 6 et
A XXXIII, 8 avec 10 éléments chacun et A XXXIII, 5
avec 9 exemplaires. le reste du mobilier se répartit
entre les types A XXXIII, 2, A XXXIII, 4 et AXXXIII,
9. Ces résultats sont très différents de ceux présentés
à Vertault (BéAl & rodET-BElArBI 2003, p. 53 et 57),
375
RaP - n° spécial 27 - 2010 - évolution d’une insula de Samarobriva au Haut empire
mais ressemblent assez à ceux d’Autun (rodETBélArBI & ChArdron-PICAUlT, 2005, ig. 35), sans que
l’on puisse avancer une véritable explication.
les datations précises des contextes de
découverte permettent d’afiner la chronologie de
plusieurs types. le type A XXXIII, 3 apparaît dès le
milieu du Ier s. et perdure jusqu’au début du IIe s. Il
côtoie les pièces de type A XXXIII, 4 (milieu à in Ier
jusque début IIe s.) et A XXXIII, 8 (in Ier-deuxième
quart du IIe s.). Ces types seraient ensuite lentement
remplacés par les jetons A XXXIII, 6, perdurant de
la in du Ier s. à la in du IIe-début IIIe s., ces derniers
côtoyant le type A XXXIII, 5 allant du début IIe/
deuxième quart du IIe s. jusqu’au deuxième quart
du IIIe s. Ces datations sont identiques pour les
sites de Poitiers et Auxerre (BErTrAnd 2008, p. 125).
à Saint-Marcel, le type AXXXIII, 6 perdure au IVe
siècle (BéAl & rodET-BElArBI 2003, ig. 6). Les types
A XXXIII, 2 et A XXXIII, 9 sont trop peu représentés
pour établir une période précise d’utilisation.
deux jetons un peu particuliers sortent de ce lot
très homogène. Il s’agit d’une pièce gravée sur les
deux faces de façon identique (n° 270, maison 1,
contexte125/130-210/220) et d’un jeton présentant
un grafiti (n° 377) sur lequel on peut lire sur deux
lignes IVlV / nVS (maison 2, contexte 90-100).
Il faut souligner la découverte exceptionnelle
d’un lot de 15 jetons de couleur noire (n° 1128 à 1142)
retrouvés ensemble, sans doute regroupés dans un
sac aujourd’hui disparu, et issus d’un contexte daté
des années 70 à 90 après J.-C (Maison 4, mise en place
état IV). Sans décor et tous identiques, caractéristiques
du type Béal AXXXIII, 3, sauf un, perforé en son
centre (n° 1142), ces objets évoquent le jeu des 12
lignes où les 30 pièces nécessaires sont réparties entre
les deux joueurs de la partie. le noircissement des
jetons permet de reconnaître les pièces de l’un des
deux. Cette découverte, dont nous ne connaissons
pas de comparaison, permet de conirmer l’usage de
ces pièces dans les jeux de table.
Autre découverte étonnante, une simple gravure
sur radius de bovidé d’un visage stylisé (n° 439),
évoque le travail sommaire de l’artisan (ou d’un
apprenti s’entraînant sur un rebut de tabletterie)
pour former une pièce dont la destination inale
nous échappe : élément cultuel ou jouet grossier ?
la plus belle pièce du site est une petite statuette
en ivoire représentant le dieu égyptien harpocrate
(n° 330), attestant la pratique de cultes orientaux à
Amiens dès le milieu du IIe siècle. Il s’agit également
de la seule pièce en ivoire découverte sur le site (cf.
ThUET, infra).
376
LES PIècES INdéTErmINéES
Il était inévitable qu’au sein d’un tel panel
d’objets, quelques identiications posent problème.
Vingt pièces ont ainsi été rejetées dans ce domaine,
bien qu’une fonction parfois très hypothétique leur
ait été attribuée. C’est le cas notamment de trois
éléments presque identiques découverts dans deux
maisons (n° 185, 1092 et 1093) et datés des années
80-90. Ces plaques trapézoïdales marquées de deux
encoches dans leur partie supérieure sont classées
par certains chercheurs dans l’artisanat textile
(GoSTEnCnICk 2000) et par d’autres dans le domaine
musical (MIklEr 1997). Ces diverses interprétations
mettent en valeur l’intérêt nécessaire d’une
expérimentation archéologique palliant le manque
d’informations littéraires portant sur ce mobilier.
coNcLuSIoN
les objets en matière dure d’origine animale
du site du "Palais des Sports-Coliseum" constituent
un ensemble comparable en de nombreux points
à ceux étudiés sur d’autres sites urbains de Gaule,
mais présentent également certains particularismes
locaux (épingles à cheveux type Béal AXX, 13) et
plusieurs décalages chronologiques. les contextes
bien datés permettent de déinir une chronologie
locale (épingles, jetons) en rapport avec les
phénomènes de mode ou les aires d’inluence
des ateliers encore dificilement déterminables.
Ils permettent également d’afiner la chronologie
de certains objets remarquables comme les canifs,
dépourvus d’ordinaire de contexte. les pièces
peu fréquentes (épingles inement décorées, canifs
ornés, statuette en ivoire) mettent l’accent sur
des courants commerciaux toutefois encore peu
perceptibles dans l’état actuel des recherches. Elles
pourraient indiquer également une certaine aisance
toute relative des propriétaires de ces biens.
les publications concernant ce mobilier dont
le premier intérêt ici est d’être intégré dans son
contexte doivent permettre une meilleure analyse
typo-chronologique des données. l’archéologie
préventive a ici un rôle prédominant à jouer. de
2006 à 2007, la fouille de "l’îlot Boucherie" à Amiens
(BInET, en cours d’étude) a permis de mettre au jour
171 éléments en os, bois de cerf et ivoire. la diversité
du lot et la nature des contextes vont permettre
d’afiner les premiers résultats obtenus sur le site
du "Palais des Sports", notamment en matière de
production et de répartition du mobilier dans la
ville.